Orphelin des mes potos ce matin là j’ai décidé d’être à l’eau aux premières lueurs du jour.
Départ à la nuit. 30 minutes de route avec le vieux boat me sont nécessaire pour gagner mon jardin, enfin habituellement. Mais arrivé au port, surprise, une brume épaisse a envahi les lieux limitant la visibilité à quelques centaines de mètres.
« Va bien se lever cette conne » sûr de ce fait je fais route prenant comme repères les lumières du port des Embiez et le phare du Rouveau, évidemment comme un boudin je n’ai pas pris le GPS.
« Va bien se lever » ben bien sûr. Passé le port des Embiez c’est pire. Je ne vois plus les feux, je ne vois plus rien. Je suis au milieu de nulle part. Seul le bruit d’un pointu et le son d’une corne de brume me relient encore à la réalité. Ambiance surréaliste digne des polards londoniens.
Bon, ben je vais m’habiller ce sera déjà ça. Voila c’est fait et maintenant ? Commence alors une longue attente. Mais p’tain qu’est ce que je fous là.
Je ne peux pas avancer et je ne peux même pas faire demi-tour et en plus je n’en mène pas large. Il est déjà 6h30 j’ai bien fait de me lever à 5h
Dame nature dans un excès de générosité dessine un court instant une masse plus sombre que j’identifie comme le Rouvelon. Cap dessus, après 3 à 4 mn de navigation, AÏE, la masse s’estompe. Au revoir. Mais je me suis assez rapproché pour me situer. Si ne vois pas à plus de 7 ou 8 m, je vois le fond. Ces fonds je les connais par cœur et je gagne l’îlot convoité.
J’ancre à proximité du rivage et plouf. Etrange atmosphère où la visi est supérieure dans l’eau que dans l’air. Si hors de l’eau je ne vois plus le boat, dans l’eau je perçois la corde du mouillage, vraiment bizarre.
Le Rouvelon c’est tout bon ou tout mauvais. La zone est restreinte, seules les faces Ouest et Nord jusqu’à la Casserlane retiennent le poisson, mais je n’ai pas trot le choix.
Rapidement un modeste loupiot vient s’empaler sur ma flèche. Je recharge le gun lorsque mon tahiti, qui n’avait pourtant pas auparavant manifesté le moindre signe de rupture, divorce équitablement. Pas grave j’ai un articulé avec moi et tout semble rentrer dans l’ordre. Semble seulement, l’obus articulé est plus long de près de 3 cm. Je vais manquer cruellement de puissance toute la sortie, de plus cette vision bizarre due au contraste intérieur/extérieur n’arrange pas les choses. J’ai du mal à estimer la distance. Dommage, les demoiselles aux anneaux dorés étaient venues en force et en confiance. 4 poissons manqués sur des tirs à 3 mètres dont une de plus de 2 kg
et un banc de barracudas aperçu dans lointain.
Un bruit d’hélice me fait lever la tête. Dans d’une lueur fantomatique encadrée par un arc-en-ciel de brume se découpe la côte. Juste assez pour faire mouvement en suivant le bord.
La brume s’épaissie à nouveau. Je n’ose pas m’aventurer jusqu’à mon jardin et stoppe près d’un autre îlot. Là se sont les loupiots qui ont investis les lieux. Mais mêmes causes, mêmes effets. 2 poissons loupés, 1 mal tiré et décroché.
Il est presque 10h quand le soleil reprend ses droits, rendant par la même le paysage familier.
Direction « THE SITE »
Ben à cette heure mon site regorge de monde, touristes, baigneurs, plongeurs, pêcheurs à la canne et j’en passe... Seule la pointe la plus avancée est désertée par la populace. Je choisis d’y séjourner car il n’est pas rare d’y voir passer de beaux poissons.
Cette pointe se détache du bord de quelques mètres et est entourée à gauche d’un plateau incliné et vers le large, séparé par un faille, un mamelon remonte à 1 m. Au pied du plateau et du mamelon le fond varie de 10m à 14 m.
Un nuage d’anchois et une meute d’oblades m’accueillent dès mon arrivée.
La mer est d’huile et je n’ai aucun mal a rester immobile le soleil dans le dos guettant attentivement le moindre mouvement des anchois. Les minutes succèdent aux minutes, ça y est, je fais parti du décor.
Un souclet vient me sucer les sandows et un poulpion hésite à me tentaculer, les oblades défilent afin de mieux me mater, un banc de dorins manque de m’arracher le masque.
Première agitation du fretin : un beau barra surgit du néant me laissera sans réaction. Puis 2 pélamides inconscientes ne devront leur salut qu’à leur rapidité. Plus nonchalant un marbré fera les frais de l’opération. Je me repositionne et reprend l’affût. Les anchois scintillent de toutes parts, de sars valables sont montés en surface hors de portée, les saupes broutent le mamelon. Tout à l’air si calme, le calme avant l’explosion. Car tous les participants vont littéralement exploser. Rien a voir avec l’agitation provoquée par le barra ou les pélamides. C’est le vide total. Plus le moindre signe de vie. Je redouble d’attention le regard scrutant le large. C’est quoi et il est où mon prédateur ?
Puis, instinctivement mon regard se porte sur ma gauche. En haut du plateau, juste après la faille, j’aperçois un dos sombre impressionnant. Une seule seconde sera nécessaire pour l’identifier. C’est un denti. Un beau denti que j’estime à 4 kg. Mais là tout va trot vite, il doit être 2 m sous la surface et s’éloigne lentement, je me propulse avec la main et lâche un tir de 3/4 arrière. Touché. P’tain ça va vite. Il gicle sur la gauche, le moulinet siffle, j’ai juste le temps de voir qu’un ardillon dépasse de son flanc et… plus rien. Je l’ai perdu, je ne l’ai pas transpercé.
Sentiments de dégoût, de révolte, de frustration.
P’tain j’en veux au monde entier. Au connard qui fabrique des tahitis qui cassent, à l’autre connard que je ne connais pas mais qui forcément doit me mettre les yeux, à tous ces connards qui ne pourront pas comprendre...
Après la colère vient le temps des regrets
, si seulement j’avais tourné la tête 1 ou 2 secondes avant je l’aurais cloué. Vu la configuration du terrain il a du me passer à 1 m, peut-être sans me voir. Avec un obus plus court j’aurais eu plus de puissance et cela aurait pu suffire.
P’tain j’ai les boules, les grosses boules.
Il est 11h30 je rentre désabusé.
Mais en écrivant ces lignes je me rends compte que j’ai encore eu la chance de vivre un moment magique que seule la csm peut nous procurer. Je souhaite à tous ceux à qui ce n’est pas encore arrivé de vivre de tels instants et surtout de connaître un meilleur dénouement.
A ce rythme je vais opter pour un camescope